Le cocontractant souhaitant procéder à la résolution du contrat par voie de notification n’a pas nécessairement à mettre préalablement en demeure son cocontractant

La Cour de cassation vient d’apporter une précision essentielle au nouveau régime de la résolution du contrat par voie de notification : la mise en demeure n’est pas nécessairement obligatoire s’il résulte des circonstances qu’elle serait vaine.

Créée par l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1226 du Code civil dispose que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »

 

Cet article a donc créé un nouveau mode de résolution du contrat : la résolution par voie de notification, aux risques et périls du créancier subissant une inexécution suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.

Cette résolution par voie de notification supposait toutefois de mettre préalablement son cocontractant en demeure de respecter son obligation en l’informant du risque de résolution du contrat.

L’ordonnance prévoyait déjà que cette formalité de mise en demeure préalable n’était pas nécessaire en cas d’urgence.

La Cour de cassation vient d’ajouter à l’article du Code civil en jugeant que cette mise en demeure préalable n’est pas non plus nécessaire s’il résulte des circonstances qu’une telle mise en demeure serait vaine, étant en outre précisé que l’appréciation du caractère vain de la mise en demeure semble relativement souple.

En effet, en l’espèce, il s’agissait d’un contrat de prestation de maintenance d’un appareil industriel ; le propriétaire dudit appareil s’estime insatisfait, d’une part, des prestations de maintenance, et d’autre part, du comportement du dirigeant de l’entreprise chargée de la maintenance (attitude déplacée et propos inappropriée) ; et c’est sur ce dernier fondement qu’elle notifie à son cocontractant la résiliation du contrat de maintenance, sans mise en demeure préalable.

Or, l’article 1226 du Code civil dispose clairement qu’il convient, sauf urgence, de mettre préalablement son cocontractant en demeure de satisfaire à son engagement.

La Cour d’appel a toutefois estimé que, compte tenu de l’attitude inacceptable du dirigeant, le propriétaire de l’appareil industriel pouvait se dispenser de mettre son cocontractant en demeure.

La Cour de cassation confirme l’arrêt en précisant que la mise en demeure « n’a cependant pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine ».

Ce nouveau cas de dispense de la mise en demeure devrait être utile en pratique, afin de permettre à des cocontractants insatisfaits de procéder à la résolution unilatérale des contrats ; il présente toutefois un risque puisque le Juge, saisi par le cocontractant, pourrait être amené à statuer sur l’utilité ou non de la mise en demeure omise, conditionnant ainsi la régularité de la résolution prononcée unilatéralement.

La Cour de cassation a pris soin de publier cet arrêt au sein de son Rapport annuel, démontrant ainsi son souhait de lui assurer la plus large diffusion.

Cass. Com. 18 octobre 2023, FP-B+R, n°20-21579