Loyers du Covid : la Cour d’Appel de DOUAI admet au fond l’argument de « perte de la chose louée »

Parmi les arguments soulevés par les locataires commerciaux interdits de recevoir du public par décision réglementaire visant à lutter contre la propagation du virus de la Covid-19 (notamment du 15 mars au 10 mai 2020) figure notamment la « perte de la chose louée » au sens de l’article 1722 du Code Civil.

 

Rappelons que cet article 1722 énonce: « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

 

Au cas d’espèce, un bailleur avait pratiqué, sur la base de la copie exécutoire (notariée) d’un bail commercial, une saisie-attribution sur le compte bancaire de son locataire au titre de loyers impayés correspondant (pour partie) à la période de fermeture administrative susvisée, saisie validée en première instance par le Juge de l’Exécution.

 

Par un arrêt du 16 décembre 2021, la Cour d’Appel de DOUAI a infirmé ce jugement, retenant (de façon difficilement compréhensible selon nous) la position du locataire fondée sur l’article 1722 suscité.

 

Elle considère que l’application de cet article ne serait pas limitée à une perte « matérielle » de la chose louée mais s’étendrait également à la « perte juridique » « … dans les cas où, par suite des circonstances, le preneur se trouve dans l’impossibilité de jouir de la chose ou d’en faire un usage conforme à sa destination, notamment à la suite de dispositions légales ou réglementaires ou d’une décision administrative ».

 

La Cour conclut ensuite « Dès lors, l’impossibilité dans laquelle elle [la société locataire] s’est trouvée pendant la période en cause d’utiliser les lieux loués conformément à la destination convenue s’analyse en une perte partielle de la chose justifiant qu’elle soit, au titre de cette période, dispensée du paiement des loyers, l’absence de faute du bailleur étant inopérante, (…) ».

 

Ce courant jurisprudentiel est préoccupant et il devient urgent que la Cour de Cassation tranche ce débat. Des arrêts sont attendus au printemps mais pourraient comporter des spécificités propres aux résidences de tourisme empêchant d’en tirer des conclusions claires transposables à l’ensemble du contentieux sur les loyers du Covid.

Cour d’Appel de DOUAI, 16 décembre 2021, n°21/03259