Sanctions de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution de matériels de boulangerie

Décision n° 23-D-05 de l’Autorité de la Concurrence du 18 avril 2023 sanctionnant des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériels de boulangerie

Le 25 avril dernier, l’Autorité de la Concurrence a sanctionné un industriel fabriquant de matériels de boulangerie, la société Bongard (solidairement avec ses sociétés-mères AFE Bakery, Ali Holding SRL et Ali SAS) et ses distributeurs réunis au sein de l’Association des concessionnaires Bongard pour entente anticoncurrentielle sur les prix et a sanctionné par ailleurs les mêmes entités avec la centrale d’achats Euromat pour pratiques restrictives de concurrence (interdiction des ventes passives).

Les parties mises en cause n’ayant pas contestées les faits, elles ont bénéficié d’une transaction dans le cadre d’une procédure négociée et ont été sanctionnées à hauteur de 2 950 000 euros.

S’agissant de l’entente anticoncurrentielle, l’Autorité de la Concurrence reproche à la société Bongard et à ses distributeurs de s’être entendus pour fixer un prix de vente commun pour la machine « Paneotrad » destinée aux boulangers cette machine.

Rappelons ici que les pratiques concertées constitutives d’ententes anticoncurrentielles en ce qu’elles ont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, notamment en ce qu’elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse sont interdites au niveau européen par l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Cette interdiction est transposée en droit français aux articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce.

La définition de l’entente anticoncurrentielle est appréciée assez largement puisqu’elle inclut à la fois des actes écrits, des échanges oraux voire des comportements tacites pour autant qu’un accord de volonté entre les participants à l’entente puisse être établi. Il a ainsi déjà été considéré que la seule présence à une réunion au cours de laquelle la politique tarifaire est discutée ou des informations sensibles sur les éléments de formation du prix sont échangés constitue une entente anticoncurrentielle.

En ligne avec cette pratique décisionnelle, pour caractériser l’entente sur les prix, l’Autorité de la Concurrence a constaté dans sa décision du 18 avril dernier que pendant 6 ans, entre 2006 et 2019, le prix du « Paneotrad » avait été discuté à 22 reprises au cours de réunions de l’Association des concessionnaires Bongard et ce, en présence de la société Bongard à partir de 2008.

– S’agissant des pratiques restrictives de concurrences, l’Autorité de la Concurrence reproche également aux membres du réseau Bongard d’avoir mis en place un système d’interdiction des ventes passives. Constitue une vente passive celle qui s’opère spontanément à l’initiative du client, sans sollicitation du vendeur. Les autorités (communautaire ou nationale) de concurrence considèrent habituellement comme anticoncurrentielles les clauses ayant pour objet d’interdire les ventes passives. Pour cette même raison, de telles clauses ne bénéficient pas au niveau communautaire du règlement d’exemption qui permet sous certaines conditions de « sauver » les accords de coopération entre entreprises tels que les contrats de distribution.

En l’espèce, un article du contrat de distribution conclu entre la société Bongard, les distributeurs et la centrale d’achats Euromat a introduit entre 2008 et 2016 l’interdiction de toute vente ou livraison de matériel neuf et de pièces détachées en dehors de la zone d’exclusivité concédée aux distributeurs tant auprès des artisans-boulangers que des chaînes nationales de boulangerie et grandes et moyennes surfaces y compris en cas de sollicitation par un prospect situé en dehors du territoire concédé.

S’agissant des sanctions prononcées, les parties n’ont pas contestées les pratiques illicites reprochées par l’Autorité de la Concurrence et ont pu, à ce titre, bénéficier d’une procédure de transaction prévue à l’article L. 461-2 du Code de commerce leur permettant d’obtenir le prononcé d’une sanction pécuniaire dans une fourchette (haute et basse) déterminée en accord avec les parties mises en cause.

L’Autorité de la Concurrence ne précise pas dans sa décision les modalités de calcul de cette fourchette mais souligne que le montant des sanctions prononcées est, en tout état de cause, inférieur au montant de l’amende normalement encourue qui, conformément à l’article L. 461-2 du Code de commerce, aurait pu atteindre jusqu’à 10% du Chiffre d’affaires mondial HT de l’entreprise concernée. 

Dans ce contexte, l’Autorité de la Concurrence a tout de même prononcé des sanctions pécuniaires très significatives à hauteur de 2 950 000 euros réparties de la façon suivante :

– 1 500 000 euros à la charge des distributeurs du réseau Bongard

– 1 200 000 euros à la charge de de la société Bongard solidairement avec ses sociétés-mères, l’Autorité ayant jugé que les pratiques sanctionnées leur étaient également imputables

– 250 000 euros à la charge de la centrale d’achats Euromat

La décision complète est disponible sur le site de l’Autorité de la Concurrence :

Décision 23-D-05 du 18 avril 2023 | Autorité de la concurrence (autoritedelaconcurrence.fr)