Droit de préemption PINEL : quand le preneur doit être meilleur juriste que le notaire du bailleur !

Depuis la Loi dite « PINEL » du 18 juin 2014, l’article L145-46-1 du Code de commerce réserve au preneur à bail commercial un droit de préférence sur l’achat du local loué lorsque le propriétaire  envisage de le vendre.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 29 février 2024 rappelle encore une fois qu’il est nécessaire d’être bien conseillé en la matière.

Comment s’exerce ce droit de préemption ?

Lorsque bailleur envisage de vendre le local commercial, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.

En pratique, l’information émane le plus souvent du rédacteur de l’acte de vente de l’immeuble (notaire) qui notifie la vente au locataire afin de « purger » l’exercice du droit de préférence.

Quelles sont les exceptions à ce droit de préemption ?

Ce droit de préférence légal (et d’ordre public) connaît quelques exceptions telles que notamment la cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, la cession unique de locaux commerciaux distincts, la cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial, la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou encore la cession d’un local au conjoint du bailleur, un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Que se passe-t-il quand le notaire notifie à tort la vente au preneur ?

Dans l’espèce examinée par la Cour de Cassation, deux sociétés ont conclu une promesse synallagmatique de vente portant sur un local donné à bail commercial. Ce contrat était notamment soumis à la condition suspensive de « renonciation par leur titulaire […] à tout droit de préemption et/ou pacte de préférence susceptible de frapper » le bien. Le notaire a alors notifié la vente au locataire commercial en visant l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Le locataire y a répondu en faisant valoir sa volonté d’exercer son droit de préférence. Finalement, le notaire a informé le locataire que la notification de la vente procédait d’une erreur et que cette vente avait été finalisée nonobstant la volonté d’achat exprimée par le preneur.

Le preneur a donc assigné la venderesse, les anciens associés de celle-ci, le second étant son liquidateur amiable, l’acquéreur et le notaire en annulation de la vente, et, en réalisation forcée de celle-ci à son profit, outre l’indemnisation des préjudices subis.

La Cour d’appel a rejeté les demandes du locataire. Elle a rappelé que la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix et constaté qu’à la date de la promesse synallagmatique de vente, antérieure au 18 décembre 2014, date à laquelle l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’était pas applicable, le locataire n’était titulaire d’aucun droit légal de préférence. De ce fait, l’erreur du notaire ne pouvait lui ouvrir un tel droit.

La Cour de cassation approuve le raisonnement.

Dès lors, lorsque le preneur à bail commercial reçoit une notification de la vente du local qu’il loue, il doit, avant de se précipiter à répondre pour faire valoir son droit (en gardant malgré tout à l’esprit le court délai d’un mois …), examiner (ou faire examiner par son conseil) s’il est bien légalement applicable et, notamment, si la vente ne s’inscrit pas dans une des exceptions légales au droit de préférence.

Cass. Civ. 3ème, 29 février 2024, n°22-24.381