Pour être opposable, la clause de non-réaffiliation en cas de sortie d’un groupement doit être proportionnée et justifiée par l’intérêt légitime de la partie qu’elle protège

Par un arrêt du 17 janvier 2024 (pourvoi n°22-20.163), la chambre commerciale de la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir déclaré illicite la clause interdisant la non-réaffiliation en cas de sortie d’un groupement en ce qu’elle est susceptible de constituer une entrave disproportionnée à la liberté d’entreprendre des anciens adhérents du groupement et non-justifiée par les intérêts légitimes du groupement Laf Santé (1) et d’avoir sanctionné l’illicéité de la clause de non-réaffiliation qu’elle a réputé non-écrite (2).

En l’espèce, deux pharmaciens ont conclu une convention dite « d’assistance » avec la société Lafayette devenue Laf Santé afin d’adhérer à un groupement de pharmaciens indépendants sous enseigne offrant notamment des services de centrale d’achat.

Cette convention contenait notamment une clause de non-réaffiliation interdisant aux officines de se réaffilier à un réseau similaire visant l’intégralité de la France métropolitaine et les DOM-TOM.

Invoquant des manquements contractuels, les deux pharmaciens ont mis en demeure LAF santé puis notifié la résiliation de la convention par acquisition de la clause résolutoire. Ils se sont ensuite réaffilier à un autre groupement en violation de la clause de non-réaffiliation.

La société LAF Santé a alors assigné les deux pharmaciens notamment pour voir déclarer fautive la rupture et obtenir le paiement d’une indemnité forfaitaire de 150 000 euros pour non-respect de la clause de non-réaffiliation.

La Cour d’appel de Paris (arrêt du 13 avril 2022, RG n°19/12534) a débouté la société LAF Santé de sa demande sur ce point. LAF Santé a remis en question cette décision de rejet devant la Cour de cassation.

1. La licéité de la clause de non-réaffiliation conditionnée à son caractère proportionné et justifié

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir jugé que la clause de non-réaffiliation de la convention d’assistance constitue une entrave disproportionnée à la liberté des deux pharmaciens d’exercer leur activité commerciale en ce qu’elle vise l’intégralité du territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.

Rappelons seulement ici que la liberté d’entreprise est un principe général à valeur constitutionnelle dérivant de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Cette liberté ne peut être limitée que pour un motif légitime reconnu par la Loi.

En l’espèce, Laf Santé a tenté de justifier l’étendue de l’interdiction de ré-affiliation par la nécessité de protéger postérieurement à la sortie du groupement les savoirs-faires concédés aux pharmaciens dans le cadre du contrat d’assistance. Même si l’arrêt de la Cour de cassation ne le précise pas, il est probable que Laf Santé revendiquait ici la protection de ses secrets de fabrique au sens de l’article L.621-1 du Code de la propriété intellectuelle ou de ses secrets d’affaires au sens des articles L.151-1 et suivants du Code de commerce.

A nouveau, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir rejeté l’argumentaire du groupement et jugé au contraire que l’intérêt d’une telle interdiction pour Laf Santé n’est pas démontrée dès lors que l’activité des pharmaciens est limitée au département d’Ille-et-Vilaine.

L’entrave à la liberté d’entreprendre générée par la clause de non-réaffiliation apparaît donc disproportionné et non justifiée par les intérêts légitimes de la société Laf Santé que la clause était censée protéger. 

Pour ces deux raisons, la Cour de cassation confirme donc l’arrêt de la Cour d’appel de Paris sur le caractère illicite la clause de non-réaffiliation.

2. La clause de non-réaffiliation illicite doit être sanctionnée et réputée non-écrite

La sanction de la clause de non-réaffiliation illicite est d’être réputée non-écrite. Dans ce cas, la clause est purement et simplement déclarée inopposable aux cocontractants et donc inapplicable à la relation contractuelle en cause.

La Cour de cassation approuve donc logiquement la Cour d’appel d’avoir décidé que la clause de non-réaffiliation inapplicable en l’espèce ne peut justifier une condamnation des deux pharmaciens.

Ci-dessous le lien vers la décision complète de la Cour de cassation :

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 janvier 2024, 22-20.163, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)