Bail commercial : Droit de préférence conventionnel et honoraires de l’agent immobilier

Nous savons que depuis la Loi PINEL du 18 juin 2014, l’article L 145-46-1 du Code de Commerce reconnaît au preneur un droit de préférence en cas de vente par le bailleur du local objet du bail commercial.

Cette disposition légale connaît désormais une jurisprudence fournie, notamment s’agissant des exceptions à la mise en œuvre de ce droit de préférence prévue par le texte (cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, cession unique de locaux commerciaux distincts, cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux, etc.).

La Cour de Cassation a également eu l’occasion de préciser que l’offre de vente notifiée par le bailleur au preneur, en application de ce droit de préférence légal, ne peut inclure les honoraires de négociation (Cass. Civ. 3ème, 28 juin 2018, n°17-14.605).

Dans le cas soumis à la Cour de Cassation, il ne s’agissait pas de la mise en œuvre du droit de préférence issu de la Loi PINEL, mais d’un droit de préférence conventionnel, stipulé au bail.

Le bailleur a notifié au locataire l’offre de vente aux clauses et conditions acceptées par le candidat acquéreur, à savoir un prix augmenté des honoraires de l’agent immobilier. Le locataire a accepté l’offre, à l’exception des honoraires. Il a par la suite assigné le bailleur en constatation de la vente à son profit. La Cour d’Appel de BORDEAUX a rejeté cette demande (18 mars 2021, n°18/03890).

Saisie sur pourvoi du locataire, la Cour de Cassation approuve le raisonnement de la Cour d’Appel qui a relevé que le droit de préférence stipulé au bail imposait au propriétaire, d’une part, de faire connaître au locataire, avant de réaliser la vente de l’immeuble, l’identité de l’acquéreur potentiel, le prix offert et les conditions générales et particulières de la vente projetée, et, d’autre part, de donner la préférence au locataire sur tous autres amateurs à égalité de prix et aux mêmes modalités et conditions.

La Cour d’Appel a souverainement retenu que l’exercice du droit de préférence prévu au bail ayant pour effet de substituer la locataire dans les droits et obligations de l’acquéreur évincé, celle-ci était tenue de payer la totalité du prix convenu avec l’acquéreur évincé, y compris la commission de l’agent immobilier.

Dès lors, le locataire n’ayant offert de payer que le prix hors frais d’agence, la Cour d’Appel en a exactement déduit qu’il n’avait pas valablement exercé son droit de préférence conventionnel.

Les fréquentes difficultés en pratique soulevées par le droit de préemption « Loi PINEL » pourraient désormais inciter les rédacteurs de baux à « préférer » la stipulation d’un droit de préférence conventionnel.

Cass. Civ. 3ème, 28 septembre 2022, n°21-18.007
David Guinet